L'ombre du vent de Carlos Ruis Zafon.
L'ombre du vent de Carlos Ruis Zafon
Péripéties rocambolesques dans le Barcelone des années 20.
Attention chef-d'oeuvre !
Je l'ai enfin lu et j'ai adoré. Il y a du suspense, bien sûr, mais aussi de vrais personnages haut en couleur. Le méchant, Francisco Javier Fumero, est un vrai méchant : avec un tel Javert (Javier ?), Jean Valjean serait vite mort...
Il y a aussi le narrateur, Bea, et Julian Carax, bien sûr, dont le destin semble enchevêtré à celui du narrateur, et Fermin, bouffon shakespearien, grand sage plein d'humour... Que de personnages pittoresques, qui n'ont rien à envier à leurs aînés, fantômes de l'opéra ou belles héroïnes, vengeurs masqués ou collégiens. C'est comme si dans son imposant roman, Carlos Ruis Zafon effleurait toute la galerie de personnages romanesques qui ont marqué nos lectures. Roman sur le livre et sur ceux qui l'habitent, tissu de citations, "les livres sont des miroirs où l'on ne voit que ce que l'on porte soi-même", roman à la fois fantastique et tellement réaliste, puisque s'y lit en filigrane la peinture d'une époque embrumée par la dictature franquiste, l'Ombre du vent déploie ses 636 pages, en suspens, et l'on se demande ce qui s'est passé, ce qui va arriver, quels nouveaux personnages nous allons rencontrer.
Comme tout cela se double, en plus, de références au "Cimetière des Livres oubliés", à leur labyrinthe recréé, et à cet homme masqué, épris de vengeance, qui semble échapper d'un roman de Dumas ou de Gaston Leroux...Mais qui est-il ? Quel but poursuit-il ? Pourquoi brûle-t-il les livres ? On s'interroge fatalement... Les histoires et les fausses pistes abondent ; chaque figure, de l'aveugle Clara, si hoffmanienne, à la belle Nuria Monfort (Lauren Bacall ? Dur de ne pas l'imaginer ainsi) incarne un mythe, ou plutôt revisite de façon détourné un mythe qui lui est antérieur. Lire le roman de Zafon, c'est redécouvrir nos anciennes lectures que nous croyions oubliées.
Aussi tout amoureux des livres ne peut que succomber à ce roman majeur de la littérature de notre temps, qui souffle sur les cendres éparses en nous.