Les falsificateurs d'Antoine Bello.

  Agent-Oui-Oui autour du globe : lonesome cow-boy around the world !

Sliv Dartunghover aurait dû être adjoint du directeur export d'une conserverie de Sigluffjördhur. Mais cet étudiant en géographie de l'Université de Reykjavik intègre le cabinet Baldur, Furuset & Thorberg. Il y traite plusieurs dossiers en rapport avec l'écologie avant d'être recruté au sein du CFR, Centre de Falsification du Réel.

Au bout de 588 pages, je n'ai toujours pas compris pourquoi Antoine Bello a pris pour héros un Islandais. L'histoire nous entraîne tout autour de la planète : Reykjavik, Cordoba, Krasnoïârsk. Mais le narrateur est un jeune Islandais naïf qui prend plaisir à inventer des histoires, à falsifier le réel, c'est même son métier et il est payé pour ça. On devine vite en lui un alter ego de l'écrivain : travail sur les sources, sur l'information et sur l'écrit.

D'ailleurs, les préoccupations de Sliv Dartunghuver l'amènent à s'intéresser aux essais nucléaires repris par Jacques Chirac ou à l'oeuvre cinématographique de Chris Marker. On lit parfois des passages entiers dignes d'un roman à thèse : "Si les néo-conservateurs gagnaient en influence, c'est sans doute qu'ils n'avaient pas tout à fait tort d'affirmer que les Etats-Unis assuraient désormais seuls la sécurité de la planète dont semblait s'être graduellement dessaisie une Europe dont la protection sociale absorbait une part grandissante de la richesse. [...] pour un emploi qui disparaît à l'Ouest, ce sont dix familles qui sortent de la pauvreté en Chine ou en Inde."

En fait, Sliv Datunghuver a un nom islandais, voyage à travers le monde, mais raisonne comme un Français.

On s'étonne aussi, alors qu'il falsifie le réel au sein d'une puissante organisation secrète, de le voir s'indigner que l'on puisse tuer un homme pour sauver la couverture de cette organisation. C'est un peu Oui-Oui au pays des espions, qui s'amuse à écrire des scénarios sans comprendre que son job ne consiste pas seulement à écrire des histoires... C'est un roman initiatique où le trait est très accentué, où le jeune héros est très (trop ?) candide. En même temps, il ne sait jamais vraiment pour qui il travaille, et on peut se demander pourquoi il a été engagé.

Du coup, puisque ce roman se termine sur les mots "À suivre...", je ne sais pas du tout si je vais lire ou non la suite, les Eclaireurs. Certes, j'ai appris beaucoup de choses sur le Groënland, ses villes et ses aéroports, ou sur les Bochimans...Et j'aimerais bien savoir si Lena Thorsen, la belle concurrente de Sliv Dartunghuver qui le regarde toujours d'un air désapprobateur, va finir dans ses bras, ce qui serait drôle mais tellement prévisible...

Seulement voilà : j'ai lu ce récit avec le regard désapprobateur de Lena Thorsen, m'attachant plus à elle qu'au narrateur, niais, Français islandais et pâlichon, donc on se demande ce qu'il peut bien faire au coeur d'une telle histoire !

Comments

[antoinebello]

Pour votre information, le troisième tome des aventures de Sliv, Les producteurs, sort le 12 mars 2015 !

[Mariel]

Ca fait longtemps que je le vois dans ma librairie et j'hésite toujours à le lire. Ton avis ne m'y incite pas beaucoup d'ailleurs...

[Manu]

Bon, moi j'étais tentée et je le reste malgré ton avis plus que mitigé ! Mais j'hésite avec "L'éloge de la pièce manquante" du même auteur.

[keisha]

Livre lu que dis-je dévoré j'ai marché à fond. Mais justement j'aime beaucoup ton article. J'ai lu la "suite" mais je ne dirai rien sur Lena Thorsen, ah mais!

[Stephie]

Bon, ça ne me tente toujours pas